Alice du fromage

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Billets qui ont 'Larbaud, Valery' comme nom propre.

mardi 3 août 2010

Remontée précipitée

Tarente, vieille ville, Métaponte (une quatre voies à traverser (je veux dire: il faut tourner à gauche en coupant la route) à la sortie de la ville pour prendre deux cent cinquante mètres d'un quasi-chemin de terre pour rejoindre la route que nous voulons emprunter), Métaponte, le soleil, le ciel bleu, la gare de Métaponte, le musée de Métaponte, les ruines des bancs de l'amphithéâtre antique de Métaponte complétés sans solution de continuité par des poutres en acier ou en bois...[1]

Matera... Plus le temps.

Un restaurant à Bernalda[2], un tablier de cuisine comportant un escargot "Slowfood".
Toujours pas de menu, cela nous convient parfaitement. Je commande une bouteille de Brachetto Spumante, un peu parce que j'aime ça, un peu parce que je ne peux résister au nom de conte Lorenzo Sormani. A la vérité, ce vin n'est pas un vin de table "possible" quand on aime le bourgogne, mais il a un parfum d'enfance... (on dirait de la limonade rosée).

Et puis la remontée à travers le Basilicate, les montagnes, les ouvrages d'art (viaducs impressionnants), quelques règles qui se dessinent, (l'Italien en Mercedes est un gentleman, celui qui conduit une BMW est un fou dangereux), les voies d'accélération et de sortie ridiculement courtes.
Autoroute ou quatre voies? En tout cas, gratuit. En approchant de Naples, certains balcons semblent surplomber la route, j'en remarque même un qui a dû être râpé par un camion.
Nous rendons la voiture avec retard, mais peut-être parce que nous la couvrons de compliments, le supplément ne nous est pas facturé.
Nous n'avons pas raté notre avion (soulagement et regrets).

Que le monde est beau, bien-aimée, que le monde est beau !



Notes

[1] Avertissement à qui tomberait ici par hasard: aujourd'hui Métaponte vaut surtout par sa plage. Le reste n'est qu'allusion à Larbaud et Barnabooth...

[2] La Locanderia, C.so Umberto I, 194

jeudi 15 juillet 2010

La Défense, lieu d'histoire

Un homme m'a demandé si je cherchais quelque chose, j'ai dit que je voulais seulement voir l'ancienne gare [de Cahors], mais je n'ai pas osé expliquer pourquoi, de crainte de me présenter dans l'emploi fastidieux, et obscène pour le coup, chère Arcadie, de héraut de la poésie. Et pourtant il me semble que ce serait moins dur de travailler dans ces murs si l'on connaissait l'existence de ces lignes qui leur sont consacrées. Gare, ô double porte ouverte sur l'immensité charmante / De la Terre...[1]
RC, Journal d'un voyage en France, p.468

Certitude: La Défense est devenu pour moi un lieu "possible", habitable, vivant, un vrai lieu avec une histoire et non une place artificielle et inhumaine, du jour où j'ai découvert la statue de Barrias posée sur un pilier en plein centre du parvis (et curieusement invisible, in-remarquée, sur le fond de tours qui constitue l'horizon) et que j'ai appris que ce nom de Défense était un hommage aux Français qui avaient ici défendu Paris contre les Allemands en 1870.

Notes

[1] Valery Larbaud, Les Poésies de A. O. Barnabooth, in Poésie Gallimard, pp.38-39 et in Oeuvres, Pléiade, pp.51-52.

mercredi 8 juillet 2009

Hep, les blogueurs influents, vous ne voudriez pas sauver une librairie ?

Ou au moins faire un peu de bruit pour embêter la BNP ?

Il y a quelques temps nous nous émûmes (sur FB) de la très probable disparition de la librairie de France à New York, institution qui valait Shakespeare and Co en France.

La même chose est en train de se passer inversement en France, fort discrètement :

Mais où sont les funérailles d'antan, chantait Brassens, un thème que ne reprendra sûrement pas la librairie Brentano's, fondée en 1895 par Arthur Brentano, et mise en liquidation judiciaire par son propriétaire, BNP-Paribas depuis le 12 juin dernier.
« Nous sommes désolés de vous informer de la fermeture définitive du magasin », peut-on lire sur des feuilles A4 scotchées sur les vitrines de la boutique.
Située avenue de l'Opéra, cette librairie historique et anglophone a été prise à la gorge par le propriétaire des murs, BNP-Paribas, donc et n'a pas pu payer un loyer réévalué de 7000 € à 20.000 €, selon les informations de MédiaPart.
C'est à la suite d'une décision judiciaire datant de 2006 que la cour d'appel de Paris a accepté l'augmentation de loyer, sur la demande de la banque.
« Merci de votre soutien et de votre fidélité pendant toutes ces années », achève laconiquement l'équipe de la librairie. Nous avons tenté de contacter l'établissement, mais en vain.
Depuis lundi, le magasin a ainsi fermé ses portes.
source : fabula

Bon évidemment, je comprends qu'entre Roland Garros et la librairie Brentano's, la BNP n'hésite pas. Vendre des balles de tennis au profit des jeunes en difficulté est plus médiatique que leur offrir des livres (surtout des livres en anglais (sachant que la partie française de la librairie a été fermée en mars 2007)).

Des souvenirs personnels m'attachent à cette librairie (dans laquelle j'ai essayé de me procurer en vain le Raul Hilberg avant qu'il ne soit traduit), mais également des traces littéraires : une fois encore je mets en ligne ces quelques lignes de la préface à Cartes postales, de Heny Jean-Marie Levet :

Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'Œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois —Excuse me— entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48

vendredi 16 mars 2007

Avis aux amateurs (parisiens) : on brade

En passant rue Danièle Casanova hier soir, je remarque une grande affiche blanche dans la vitrine de Brentano's. Au feutre est inscrit en grandes lettres maladroites «Pléiade - 20%».
Je m'approche, un avis orange est scotché sur la vitrine, qui dit en substance: «Notre propriétaire, la BNP, ayant de décider de doubler notre loyer, nous sommes obligés de réduire notre surface et de recentrer notre activité. Le rayon littérature va être abandonné.» A l'intérieur du magasin, le déménagement a commencé.

Donc si vous avez le temps de passer chez Brentano's (avenue de l'Opéra) aujourd'hui… (Pour ceux qui ne connaissent pas, il y a également énormément de livres de poche et de livres grand format dans cette librairie). N'empêche, cela me fait de la peine. Quand je pense que la BNP "communique" sur son mécénat culturel…
Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois — Excuse me — entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48
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